Voici le paradoxe. Les entreprises ne changent pas si les personnes qui y travaillent ne changent pas elles-mêmes. Or, il est plutôt rare – en fait, cela n’arrive jamais – que le changement qui s’opère au niveau individuel se traduise en changement durable chez toute une organisation. Tandis que le changement et la croissance personnels sont nécessaires pour induire un changement au sein de l’entreprise, le développement individuel est, en soi, insuffisant. Pourquoi? Parce qu’il est pratiquement impossible de maintenir les changements chez les individus lorsque le système à l’intérieur duquel ils s’opèrent ne change pas. Rappelez-vous que les organisations sont des systèmes bien vivants et complexes, et que, comme tous les systèmes, ils sont bâtis pour maintenir l’équilibre ou l’homéostasie, comme le statu quo. Cela signifie que bien des facteurs influencent les résultats que vous obtenez actuellement au sein de votre entreprise et qu’ils contribuent à assurer la continuité de ces mêmes résultats. Ces facteurs concernent, par exemple, la structure de votre organisation, les paliers décisionnels en autorité, les principales procédures d’affaires, et votre manière de reconnaître et de récompenser les comportements. Une personne qui fait des efforts pour grandir et travailler différemment doit quand même s’exécuter dans le cadre d’un système et d’un environnement donnés, et aux côtés de personnes qui, elles, n’ont pas changé. La plupart du temps, c’est la quête d’équilibre qui gagne la bataille, et l’individu qui a changé revient à son ancien comportement ou décide de s’en aller.
Qu’est-ce qui permet d’augmenter de manière fulgurante vos chances de réussir à changer les choses? Le travail auprès des équipes. Au cours des dernières années, j’ai côtoyé des équipes et travaillé avec celles-ci en les coachant, soit ma manière préférée d’aider les entreprises et les leaders à instaurer des changements au sein de leurs compagnies. La magie s’opère lorsqu’on travaille avec les équipes. Les membres d’une équipe créent un lien et s’engagent l’un envers l’autre, en plus d’avoir à cœur un objectif commun : donner corps au futur qu’ils imaginent. Cela crée un effet d’entraînement au sein de l’entreprise, et c’est alors que cessent les pressions homéostatiques, ce qui permet au changement de s’installer. Donc qu’est-ce que le coaching des équipes et qu’implique-t-il généralement? Voici ce que j’ai appris.
Qu’est-ce que le coaching des équipes? C’est un processus hautement efficace pour communiquer et pour stimuler la performance et le changement.
Dans leur ouvrage The LeadershipCoach’sAdvantage, Melinda Sinclair et Dorothy Greenaway nous donnent une définition du coaching que j’apprécie beaucoup : « Le coaching, en mettant l’accent sur les conversations, vise àfaciliter la performance, l’apprentissage et le changement chez un leader ou une équipe qui a du poids au sein de son entreprise et dans son contexte d’affaires. » À titre de coach d’équipe, je vise à inciter et à provoquer ces conversations structurées avec tous les membres d’une équipe à titre d’unité, ainsi qu’avec chacun des individus au sein de cette équipe, afin de permettre la performance, l’apprentissage et la croissance.
Qu’implique-t-il? Deux phases distinctes. La première phase est la découverte.
J’utilise un modèle de changement bien simple pour guider mes conversations avec l’équipe à la première étape de leur aventure, qui dure environ trois mois généralement. Le voici :
Étape1 : définir le futur
C’est notre premier cheval de bataille à titre d’équipe lorsque nous commençons à travailler ensemble. Quels sont vos objectifs? Quelle vision avez-vous de votre équipe, de votre service ou de votre poste? Qu’est-ce qui rend cette vision si importante et irréfutable? Nous prenons du temps en équipe pour rêver ensemble et discuter en profondeur afin que chaque membre de l’équipe partage une compréhension et un langage communs au sujet de la vision. Nous parlons ensuite de la manière dont chacun désire fonctionner avec l’autre dans une équipe. Nous définissons le visage du travail d’équipe bien fait et nous prenons des engagements précis sur le type de comportement que chaque membre adoptera afin d’accomplir ce bon travail d’équipe.
Étape 2 : reconnaître la réalité actuelle de l’équipe
Où l’équipe se situe-t-elle en ce moment? Quelles sont vos forces? Quelles sont vos faiblesses? Dans quel contexte agissez-vous pour l’instant? Quels obstacles rencontrez-vous? Qu’est-ce qui, au sein du système, pourrait entraver l’accomplissement de votre vision du futur (pensez à la structure, aux processus, aux récompenses, aux ressources humaines – compétences et mentalités)? À cette étape-ci, ce qui compte énormément, c’est d’obtenir les commentaires des intervenants clés, qu’il s’agisse d’individus ou d’équipes. J’utilise souvent un outil de leadership qui analyse la situation sous tous les angles pour obtenir les commentaires de chacun des membres d’une équipe ainsi que le portrait des forces et faiblesses de l’équipe. De plus, je mène des entrevues avec des parties prenantes incontournables (clients, partenaires, hiérarchie directe et indirecte, cadres) afin que l’équipe puisse comprendre le portrait de sa réalité actuelle selon plusieurs points de vue.
Étape 3 : effectuer un remue-méninges
Une fois l’orientation de l’équipe définie, ses forces établies et les écarts entre sa position actuelle et son objectif déterminés, nous réfléchissons tous ensemble aux actions que l’équipe peut poser afin d’aller vers sa vision. Au même moment, chaque membre de l’équipe choisit des actions de développement à effectuer personnellement, en fonction de la rétroaction obtenue et de son rôle, afin de toujours avancer vers la vision de l’équipe.
C’est facile de définir le futur. C’est de reconnaître le portrait de la situation actuelle qui est difficile, mais nécessaire.
Voici ce que la plupart d’entre nous font : nous passons du temps à définir le futur. C’est la partie amusante, n’est-ce pas? Puis, nous passons avec enthousiasme de cette définition du futur à l’établissement d’un plan d’action – c’est-à-dire que nous déterminons les actions précises à poser et la route qui nous mèneront à notre futur. Mais nous oublions de dresser le portrait de notre réalité actuelle. Nous ne sommes pas en quête de rétroaction sur nos forces et faiblesses. Nous ne prenons pas le temps de nous arrêter pour constater ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans nos manières de faire courantes. Non, nous sautons plutôt à l’aveuglette dans la définition d’actions, avant même de véritablement connaître ce que nous avons déjà. Pourquoi agissons-nous de la sorte? Il y a bien quelques raisons, j’en suis certaine. La première est que nous sous-estimons énormément ce qu’il faut pour qu’une organisation change. La deuxième est qu’il est bien désagréable de nous regarder dans le miroir. Et nous ne sommes pas faits naturellement pour cela non plus. Souvenez-vous que les humains sont des êtres qui racontent une histoire. Nos cerveaux sont dotés de connexions qui créent des histoires. Nous nous emportons dans nos histoires, à titre d’individus, d’équipes et d’entreprise. Nous composons ces histoires à partir de nos intentions et de nos aspirations. Nous avons besoin de nous détacher de nous-mêmes pour parvenir à constater où nous en sommes. Oui, la reconnaissance de notre réalité actuelle ne se fait pas sans peine, mais j’ai appris qu’il s’agit d’une étape essentielle du processus pour que nous allions plus rapidement vers l’avant, et que nous mettions en place des changements importants et durables.
L’exécution et l’apprentissage constituent la deuxième phase de l’aventure.
La deuxième partie de notre aventure d’équipe consiste à travailler en équipe en suivant les plans d’action établis. À titre de coach de l’équipe durant cette phase, je dois provoquer l’apprentissage et la performance. Pour ce faire, je prends périodiquement un temps d’arrêt avec les membres de l’équipe afin de réfléchir aux actions qu’ils ont prises, de constater ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, de tirer parti des connaissances et des apprentissages dans le but de les appliquer à de nouveaux scénarios, et de rectifier le tir afin qu’ils soient prêts à se mettre de nouveau en action. C’est une partie excitante de l’aventure tandis que les membres de l’équipe deviennent de plus en plus efficaces pour travailler ensemble, que l’équipe est sur sa lancéeet qu’on assiste à la mise en place de changements. Cette phase dure généralement de trois à cinq mois, soit le temps nécessaire pour que l’équipe trouve son rythme de croisière.
Remarque : Ce processus n’est pas linéaire ni standardisé.
Je suis consciente que ce que je viens de dépeindre peut sembler linéaire et ressembler à une recette de cuisine pour un coaching d’équipe. Croyez-moi, il n’en est rien. Bien sûr, je me réfère à certains processus et concepts, mais mon travail consiste vraiment à utiliser l’ensemble de mes compétences, mon expérience et mon énergie afin de créer, en collaboration avec chaque équipe, une expérience intime et extrêmement personnalisée qui rencontre l’équipe là où elle se trouve et qui la guide là où elle veut se rendre, selon le contexte d’affaires et la réalité culturelle qui lui sont propres. C’est ce qui fait que j’adore mon travail. Ce n’est jamais, jamais pareil.
Une citation de Margaret Meadse fait phare pour moi, en particulier lorsque je travaille avec des équipes : « Ne doutez jamais qu’un petit groupe de citoyens engagés et prévenants puissent changer le monde; c’est en fait la seule entité qui y soit parvenue à ce jour. » Je ne pourrais être plus en accord.